Comment aller sur la Lune sans lanceur super-lourd ?

Un projet d'atterrissage humain sur la Lune: l'image montre l'utilisation de deux "fusée superlourdes" minies d'un étage LOX/LH. L'une lance le vaisseau Orël et un remorqueur, l'autre un atterisseur-décolleur lunaire et un remorqueur. Mais la nature du lanceur super-lourd n'est pas précisé.

Un projet d'atterrissage humain sur la Lune: l'image montre l'utilisation de deux "fusées superlourdes" munies d'un étage LOX/LH. L'une lance le vaisseau Orël et un remorqueur, l'autre un atterisseur-décolleur lunaire et un remorqueur. Mais la nature du lanceur super-lourd n'est pas précisée.

La Russie a choisi de ne pas développer de lanceur Super-Lourd, au moins dans un proche avenir.

Mais dans ce cas peut-on réaliser un voyage humain vers et sur la Lune?

La réponse est: oui c'est possible!

Voyons donc d'abord ce qu'il faut pour envoyer des humains sur notre satellite naturel. Il faut au minimum un vaisseau spatial (transportant les cosmonautes pour le voyage Terre-Lune et Lune-Terre) et un atterrisseur/décolleur sur et depuis la surface lunaire avec généralement le passage des cosmonautes depuis le vaisseau de voyage vers l'atterrisseur/décolleur lunaire.

En 1969 le programme Apollo a utilisé ce schéma en réalisant un rendez-vous en orbite lunaire lors de la "remontée" des marcheurs lunaires. Mais pour lancer tout ce matériel et le carburant nécessaire les américains ont utilisé une fusée géante (donc de la classe super-lourde), Saturne-5.

Ils s'apprêtent d'ici quelques années à rééditer l'exploit spatial avec...ce même schéma. Apollo cède la place Orion et Saturne-5 au SLS. Quant à l'équivalent du LEM on ne sait pas encore bien qui le construira (SpaceX?). Et il est toujours question d'une station orbitale Lunaire (Gateway). Le SLS, en tout cas est de nouveau une fusée de classe super-lourde.

Alors sans fusée super-lourde comment fait-on?

La première idée qui vient à l'esprit et qui est la bonne: si on ne dispose pas d'une fusée super-lourde, on peut en utiliser plusieurs plus petites!

C'est du moins les propositions qui circulent dans ce domaine en Russie. Nous en avions déjà parlé ici il y a quelques temps. Le principe faisait intervenir 1 lanceur Soyouz et 3 lanceurs Angara-A5V. La proposition a évolué et c'est désormais l'utilisation de 4 Angara-5V qui est proposée.

Dans sa présentation aux conférences Korolyov en janvier, Vladimir Solovyov (RKK Energuya) a montré une diapo avec un tel principe (voir l'image ci-dessus) mais qui utilise toujours 2 fusées super-lourdes qui ne sont pas bien définies mais qui chacune transportent soit le vaisseau spatial Orël et un module d'accélération/freinage pour l'une, soit le "LEM" (atterrisseur/décolleur linaire nommé LVPK) et un un autre module d'accellération/freinage pour l'autre.

Si maintenant on ne dispose pas d'une fusée super-lourde on peut alors utiliser 4 lanceurs Angara-5V (38 T en orbite basse) qui mettront en orbite terrestre: Orël, le LVTK et les deux modules d'accellération/freinage (remorqueurs). C'est évidemment une solution bien moins coûteuse, surtout que le lanceur Angara aura d'ici 2 ans deux pas de lancements, l'un à Vostochny, l'autre à Plesetsk. Il faudrait des adaptations à Plesetsk pour recevoir l'Angara-5V mais rien de comparable à construire un nouveau pas de lancement et développer une fusée super-lourde. Mieux, puisque le lanceur Angara sera un lanceur relativement souvent utilisé, sa fabrication en série sera un avantage comparé à une fusée super-lourde qui n'aurait pas de débouché autre qu'un programme lunaire.

Les écueils sont de deux ordres:

Tout d'abord la version 5V de l'Angara n'existe pas encore car il lui manque l'étage LOX/LH (nommé KVTK) capable de monter sa capacité d'emport à 38 T. Il est en cours de développement mais doit encore être financé régulièrement. De même les modules tug d'accélération/freinage n'ont pas de réalité pour le moment. Enfin le LVPK (atterrisseur/décolleur, à ne pes confondre avec le KVTK étage LOX/LH de l'Angara-5V) n'a pas lui non plus de réalité (dans ce dernier cas les futures sondes lunaires Luna-25 et suivantes devraient en jeter les bases).

Le second écueil est d'ordre temporel: le ou les modules accélérateurs/freineurs de "remorquage" seront aussi des module LOX/LH et par principe leur durée de vie n'est que d'environ 7h...Il faudra donc lancer les engins qui devront se rencontrer en orbite terrestre et être accélérés vers la Lune avant la fin de vie du remorqueur...De plus ce schéma comporte de nombreux rendez-vous/arrimages qui complexifient la mission...mais les Russes savent faire en matière de rendez-vous spatiaux.

C'est ici que l'intérêt de réussir des rendez-vous spatiaux en une orbite terrestre unique intervient.

Le chef du département balistique de RKK Energuya en a parlé à TASS le 9 février:

Les missions à quatre lancements de cosmonautes vers la Lune à l'aide de lanceurs Angara ne seront possibles que si un schéma de rendez-vous à orbite unique est mis en œuvre. Cette opinion a été exprimée à TASS par le chef du département balistique de la Energuya, Rafail Mourtazine.

"Ce programme (c'est-à-dire le programme de quatre lancements de vols vers la Lune sur l'Angara, soumis au gouvernement) dépend directement de la mise en œuvre d'un schéma de rendez-vous en orbite unique, il ne peut être réalisé sans un schéma en orbite unique", dit Mourtazine.

Comme l'expert l'a précisé, ce programme implique l'utilisation du lanceur Angara-A5V. Il lancera un étage supérieur oxygène-hydrogène, avec lequel le module de décollage et d'atterrissage lunaire et l'engin spatial habité, lancés séparément, devraient accoster en orbite. La durée de vie de ce bloc est d'environ sept heures et le circuit à un tour surmontera cette limitation.

Fin 2020, le directeur général de Roscosmos Dmitry Rogozine a noté que la présence de deux complexes de lancement pour Angara (sur Vostochny et Plesetsk) à partir de 2023 permettra de combiner des lancements, d'assembler des complexes de vols habités en orbite. Cela deviendra l'outil principal pour commencer l'exploration lunaire.

Source: Kosmosnews.fr et TASS ; Crédit photographique: Roscosmos