Alexandre Bloshenko avec les journalistes.
Il semble que le choix de la Russie entre la poursuite (au-delà de 2024) de l'exploitation de l'ISS et la création de sa propre station (ROSS) se précise en faveur de la seconde solution. Nous en avions parlé il y a deux jours ici.
Roscosmos a organisé avec (et chez) Energuya, pour les journalistes, une présentation du futur module NEM qui devait être ajouté initialement à l'ISS en 2024 et qui sera le premier maillon de la nouvelle station orbitale terrestre russe (connue actuellement sous le nom de ROSS pour Russian orbital and service station).
A la baguette, Alexandre Bloshenko, responsable des projets prometteurs à Roscosmos, et Vladimir Solovyov, concepteur en chef adjoint à Energuya (et directeur de vol du segment russe de l'ISS).
Le tout a été rapporté par une séquence vidéo sur la chaîne 1TV avec la participation de Dmitry Rogozine.
Le site de Roscosmos rapporte l'information ainsi:
Les cosmonautes devraient se rendre à la nouvelle station dès 2026.
Le 23 avril 2021, Roskosmos a annoncé qu'un an plus tôt [en 2025 - NDLR KN], le premier bloc de la station, une unité scientifique et énergétique [NEM - NDLR KN], serait lancé dans l'espace proche de la Terre. Il sera lancé sur une orbite plus élevée que celle de l'ISS maintenant, ce qui signifie qu'il y aura plus d'opportunités pour l'exploration spatiale.
La nouvelle station sera fondamentalement différente de l'ISS. Le premier et peut-être le plus important est l'inclinaison, c'est-à-dire l'angle entre l'orbite de la station et l'équateur. L'ISS a une inclinaison de près de 52 degrés. Il est prévu que notre future station nationale atteigne 97 degrés. Ce sera sur l'orbite dite des hautes latitudes. De plus, contrairement à l'ISS, qui voit 20% du territoire de la Russie, il y aura une vue à 100% de notre pays. Et surtout, une telle inclinaison donne plus d'opportunités pour étudier l'espace lointain.
«Malgré le fait que nous ayons accumulé une vaste expérience des vols habités depuis les années 60, nous découvrons à chaque fois quelque chose de nouveau pour nous-mêmes. Et dès que nous dépasserons l'orbite basse, que nous maîtrisons déjà, et l'inclinaison à laquelle nous sommes habitués, nous rencontrerons des nuances, notamment en termes de systèmes de survie et d'équipements médicaux et biologiques pour les cosmonautes. Nous devons être prêts pour cela, bien sûr, avant de parler de missions à long terme en dehors de l'orbite terrestre basse, sur la Lune, sur Mars ou ailleurs», a déclaré Alexander Bloshenko, directeur exécutif de Roscosmos pour les programmes et la science prometteurs.
Le module énergétique scientifique devait initialement être envoyé dans l'espace en 2024, pour être amarré à l'ISS. Aujourd'hui, d'autres tâches beaucoup plus ambitieuses lui sont assignées. Le module devrait être mis en orbite dans quatre ans [en 2025 donc].
«Si en 2025 nous déployons le module de base de la nouvelle station, alors nous pourrons voler avec un nouveau vaisseau spatial, puisque nous prévoyons de lancer le nouveau vaisseau spatial habité Orël en 2025. Nous avions prévu de voler vers l'ISS. Hier, j'ai rencontré notre corps de cosmonautes, je les ai tous rassemblés, et nous envisageons maintenant la possibilité de changer la tâche de vol, c'est-à-dire de ne pas voler vers l'ISS, mais vers notre station russe» a déclaré le directeur général de Roscosmos Dmitry Rogozine.
On prévoit qu'au stade initial, la station ressemblera à ceci: en plus du module scientifique et énergétique [NEM], il y en aura trois autres: un nodal [une nouvelle version de Prichal], un module sas et un module de base [similaire au NEM]. Après 2030, plusieurs autres blocs seront ajoutés - des modules "cibles". Tout dépendra des tâches définies à ce moment-là.
"Il y aura une plateforme sur laquelle nous pourrons garer toutes sortes de véhicules automatiques, les réparer, faire le plein, régler la charge utile, toutes sortes d'équipements, puis les renvoyer dans l'espace", a expliqué le premier concepteur général adjoint pour les opérations de vol, essais de fusées et complexes spatiaux et systèmes d'Energuya Vladimir Solovyov.
Et c'est une étape en avant pour l'exploration de l'espace lointain. Il est prévu que le premier module soit envoyé en orbite non sur Proton, comme prévu précédemment, mais déjà sur Angara A5M depuis Vostochny.
D'ici 2025, ce premier module de la future station spatiale russe sera sérieusement adapté à sa nouvelle fonction. Amélioration des systèmes de contrôle, de l'alimentation électrique, de l'amarrage. De plus, des cosmonautes y seront hébergés, et il est également nécessaire de le rendre résidentiel.
[Il semble donc que l'inclinaison de la future station ait été arrêtée: quasiment polaire. Nous avions signalé deux inconvénients de cette orbite, dont l'exposition plus importante des cosmonautes aux radiations cosmiques: il semble que les Russes fassent de cet inconvénient un atout leur permettant de tester, en grandeur nature, les protections possibles pour des futurs vols lointains. L'altitude de la station semble aussi déterminée, un peu plus bas que l'ISS. Enfin les Russes sont décidés à exploiter pleinement leur nouveau lanceur Angara qui devra remplacer le lanceur Proton - NDLR KN].
Voyons tout ça en images commentées ci-dessous.
Source et crédits photographiques: Energuya/Roscosmos et 1TV
Vladimir Solovyov s'exprime devant les journalistes.
Les posters concernant la station ROSS devant un modèle du module NEM dans les locaux d'Energuya.
La comparaison des orbites de l'ISS (en jaune) et de la ROSS (en vert). Les altitudes sont aussi comparées: 300 à 350 Km pour ROSS contre 400 pour l'ISS.
La première étape de la ROSS (2025-2030): Au centre le module node (Prichal). A gauche le module NEM et à droite un module similaire au NEM ici désigné comme module de base. En haut et en bas deux module sas. Cette station pourra être visitée par des soyouz et progress mais aussi par le nouveau vaisseau piloté Orël.
Le NEM, le premier élément de ROSS sera satellisé par un lanceur Angara de type A5M si on en croit le schéma montré.
Le développement possible au-delà de 2030 de la ROSS. Par rapport à la première étape sont ajoutés deux modules dénommés "cible" en fonction des besoins de l'époque auxquels pourront s'arrimer le vaisseau Orël et sa version lunaire Orlonyok. Enfin une plateforme de service serait ajoutée (en bas de l'image).
Une vue du module NEM en construction. Celui-ci d'ici 2025 devra être modifié de façon importante: il devra, entre autres, être équipé de gyroscopes pour assurer la stabilisation de la station.
Une vue de "l'arrière" du module NEM. Ici on aperçoit les 5 bus de connexions qui permettront de faire transiter les données et l'électricité entre la partie pressurisée visible ici à gauche et la partie portant les panneaux solaires non présente actuellement sur ce modèle.
Un schéma de l'organisation interne de la partie pressurisée habitable du module NEM.