Cosmonautique russe: l’objectif Lune humain considéré comme inatteignable au profit d’une station spatiale?
Il y a quelques jours le rapport présenté par Vladimir Solovyov (qui est membre correspondant de l'Académie des sciences de Russie, ancien pilote-cosmonaute, premier adjoint au Directeur général d'Energuya, directeur de vol du segment russe de l'ISS) à une réunion du Conseil spatial de l'Académie des sciences de Russie (RAN pour Российская академия наук ou RAS en anglais) a suscité des réactions dans la presse nationale (russe) et internationale avec des mises au point de Roscosmos et de l'auteur.
Le Conseil spatial de l'Académie des Sciences
Le site "Naouchnaya Rossia" (la Russie scientifique) a publié un compte rendu de cette réunion avec ce qu'à déclaré Solovyov. Le voici ci-dessous. On y remarque que les académiciens, sur la politique spatiale russe ont développé deux aspects qui a leurs yeux sont importants pour la Russie: le développement des stations spatiales en orbite terrestre et développement de l'hélio-géophysique appliquée et fondamentale.
Le développement de l'activité spatiale habitée russe et les tâches de l'héliogéophysique domestique ont été discutés le 25 novembre lors d'une réunion du Conseil RAS sur l'espace. Parmi les participants: président du Conseil, président de l'Académie des sciences de Russie Alexandre Sergeev, le membre correspondant de l'Académie des sciences de Russie, pilote-cosmonaute, premier adjoint au Directeur général d'Energuya Vladimir Solovyov, l'adjoint au Directeur du TsNIIMASH Alexandre Romanov, l'académicien Youri Balega, vice-président de l'Académie russe des sciences; l'académicien Lev Zeleny, vice-président du conseil, directeur scientifique de l'IKI RAS.
Vladimir Solovyov a fait une présentation sur les principales dispositions du concept de développement de l'activité spatiale habitée russe. «Jusqu'en 2025, la Russie a l'obligation de participer au programme de la Station spatiale internationale. Il existe déjà un certain nombre d'éléments qui ont été gravement endommagés et qui sont hors service. Beaucoup d'entre eux ne peuvent pas être remplacés. Après 2025, nous prévoyons une avalanche de pannes de nombreux éléments à bord de l'ISS. Selon les estimations d'Energuya, les coûts d'un financement supplémentaire, estimés à 10-15 milliards de roubles, sont trop élevés. Il est nécessaire de réviser les conditions de la participation future au programme et de se concentrer sur la mise en œuvre des programmes des stations orbitales», a noté l'orateur.
Solovyov a présenté les principales priorités de la Russie dans le domaine des activités spatiales: assurer la sécurité nationale, prévenir les conséquences des catastrophes d'origine humaine et naturelle, identifier les menaces provenant de l'espace; accélérer le développement technologique de la Russie, créer un potentiel scientifique et technique pour la mise en œuvre de projets à grande échelle, obtenir des données scientifiques sur l'espace extra-atmosphérique, notre planète et d'autres objets; garantir l'adoption accélérée des technologies numériques. Tout cela devrait permettre à la Russie de devenir l'une des cinq plus grandes économies du monde. Le succès de la mise en œuvre des tâches assignées dépend, entre autres, des programmes des stations orbitales.
Parmi les principaux avantages clés de ces stations sont: une architecture ouverte et une durée de vie illimitée grâce à des modules remplaçables. Vladimir Solovyov a également présenté le projet de la station orbitale russe de service (ROSS), qui est en cours de développement à Energuya. On suppose que le ROSS sera composé de 3-7 modules avec la possibilité de travailler en équipe de 2 à 4 personnes. Un fonctionnement sans pilote est également prévu. Le déploiement, selon Solovyov, est prévu après 2024. Les cosmonautes de la station sont censés travailler en rotation pour réduire la charge de rayonnement reçu par l'équipage et les coûts d'exploitation.
Parmi les tâches que ROSS va résoudre figurent la télédétection, la recherche et les expériences, les communications et la navigation, la détection des catastrophes d'origine humaine, la mise en œuvre de projets éducatifs et les intérêts des universités, l'exploration géologique, la surveillance forestière et même le tourisme spatial.
Le vice-président de l'Académie russe des sciences Youri Balega et l'académicien de l'Académie russe des sciences Lev Zeleny ont parlé de l'importance de développer une feuille de route pour la stratégie nationale de la Russie pour le développement de l'héliogéophysique appliquée et fondamentale. Le travail de développement du concept a déjà commencé.
Directeur de IKI RAS, membre correspondant de RAS, A Petroukovich dans son discours a souligné l'importance de déployer le segment spatial du programme de travail hélio-géophysique.
L'urgence de cette question a été soulignée par Boris Kozelov, docteur en physique et mathématiques, directeur de l'Institut de géophysique polaire de l'Académie russe des sciences. Dans son rapport, il note que les principaux phénomènes hélio-géophysiques sur Terre se produisent dans les régions polaires (arctique). Pour développer le concept, il est nécessaire de prévoir l'utilisation des opportunités de coopération internationale. Pour la Russie, ces études sont extrêmement importantes, car les manifestations de la météorologie spatiale se produisent constamment sur le territoire de notre pays. Selon Kozelov, la stratégie devrait prévoir la création d'un observatoire géophysique de recherche permanent dans le Land Franz Josef.
Le membre correspondant de la RAS, Andrei Medvedev, a poursuivi le sujet et a parlé de l'importance du projet du complexe hélio-géophysique national de la RAS. Le complexe permettra d'obtenir un certain nombre de nouveaux résultats prioritaires qui élargiront considérablement nos connaissances fondamentales sur la nature de l'activité solaire et porteront l'hélio-physique domestique au niveau mondial.
Que faut-il en conclure?
Que constate-t-on dans cette réunion et les rapports qui y sont présentés? Ce n'est pas tant ce qu'il y a que ce qu'il n'y a pas: l'homme sur ou autour de la Lune!
Se pourrait-il qu'un consensus se fasse jour en Russie pour considérer que compte-tenu des moyens limités de la Russie, le voyage humain vers la Lune est un objectif inatteignable à moyen terme, disons à 15 ou 20 ans? En tout cas c'est l'opinion de l'Académie des sciences russe. Ajouté à cela les déclarations de Rogozine sur une nouvelle station orbitale russe, et on peut légitimement se demander si l'objectif Lune humain n'est pas remis à plus tard?
Mais alors, le projet de lanceur super-lourd? Le développement du vaisseau Orël?
Pour ce dernier il est probable qu'il aille à son terme: exploiter une station spatiale avec des touristes serait difficile avec un vaisseau soyouz certes très fiable mais exigu. Les deux vaisseaux pourraient alors être cohaniter: le soyouz pour les cosmonautes de métier et Orël lorsqu'il s'agit de convoyer des touristes ou des exploitants privés de la station. Cela laisserait alors toutes possibilités d'utiliser Orël pour des missions vers la Lune si des accords de coopération s'établissent, de nouveau avec les USA (le Gateway?), ou avec la Chine. Dans ces cas le lancement vers la Lune d'Orël pourrait se faire en plusieurs temps selon un schéma inspiré d'une proposition antérieure (voir ici notre article) rendant le lanceur super-lourd inutile et couteux sans retour appréciable autre que le prestige...
Source: Naouchnaya Rossia et Kosmosnews.fr