Un système de gravité artificielle sur station orbitale breveté par RKK Energuya
La création de la station ROSS ouvre une nouvelle ère pour la cosmonautique russe.
Plus qu'un simple laboratoire en orbite basse, elle marquera une étape importante vers la préparation systématique des humains aux missions lointaines : vers la Lune, vers Mars et, à terme, vers l'expansion interplanétaire.
Dans ce contexte, le brevet déposé par RKK Energuya en septembre 2025, « Système spatial à gravité artificielle » (RU 2846902 C1), revêt une importance particulière. [le contenu du brevet ici].
Il ne s'agit pas seulement d'une invention technique, mais d'une base potentielle pour une nouvelle classe de systèmes orbitaux habitables capables de maintenir la santé humaine en conditions d'apesanteur prolongées.
Le concept proposé par les ingénieurs Maria Shoumskaya et Ilya Zheleznov est un système modulaire multi-éléments, dont les compartiments habitables sont reliés radialement à un module axial abritant les sections rotative et statique.
La rotation crée une gravité artificielle pouvant atteindre 0,5 g à environ 5 tours par minute et un rayon de rotation de 40 mètres, des paramètres proches de l'optimum biologique pour prévenir la dégradation des systèmes squelettique et cardiovasculaire.
Une caractéristique clé est le placement des composants mobiles scellés d'un seul côté de la section rotative, ce qui améliore considérablement la fiabilité et la sécurité : même en cas de dysfonctionnement partiel, le système reste hermétiquement fermé et opérationnel.
ROSS est conçu comme une station en orbite quasi polaire, ce qui est unique d'un point de vue scientifique, mais cela augmente également la dose de rayonnement reçue par l'équipage : sur une telle orbite, la protection contre le champ magnétique terrestre est plus faible que celle de l'ISS.
Un paradoxe se pose alors. D'une part, la gravité artificielle permet d'augmenter significativement la durée du séjour de l'équipage en orbite : les muscles, le cœur et les os ne se dégradent pas aussi rapidement. D'autre part, plus un cosmonaute est exposé longtemps à des niveaux de rayonnement élevés, plus son exposition est élevée.
L'objectif d'un système de gravité artificielle n'est peut-être pas de prolonger les missions à un an, mais d'améliorer la qualité de vie et de réduire le stress physiologique, même lors d'expéditions standard. De plus, les modules rotatifs peuvent être utilisés de manière sélective : par exemple, les cosmonautes peuvent dormir en gravité artificielle, un sujet fréquemment débattu à l'Institut des problèmes biomédicaux [IMBP] de l'Académie des sciences de Russie, qui propose des modules similaires pour l'ISS et ROSS afin de stabiliser la circulation et le système musculo-squelettique, tandis que le reste du temps, ils peuvent travailler en microgravité.
Le système peut être intégré à d'autres engins spatiaux habités. Ses modules sont donc universels, adaptés non seulement à ROSS, mais aussi aux vaisseaux de transport, aux remorqueurs orbitaux et aux bases [orbitales] lunaires et martiennes.
C'est ainsi que l'architecture des expéditions de longue durée peut être testée : d'abord une station orbitale en gravité artificielle, puis des tests en orbite lunaire, et enfin un vaisseau interplanétaire équipé de modules habitables rotatifs, où l'équipage peut passer des mois sans conséquences graves.
Le système peut être mis en orbite par étapes : d’abord le module central, puis les sections habitables. Après l’amarrage, les modules se ré-amarrent automatiquement du port axial aux nœuds radiaux et pivotent, formant une structure rotative. Cela simplifie considérablement l’assemblage dans l’espace, contrairement au tore encombrant des concepts américains Nautilus-X et Vast Space.
Depuis le vol Soyouz-9, on sait que la microgravité est le principal ennemi des cosmonautes. Perte de calcium, atrophie musculaire, déplacements de fluides corporels et surcharge cardiaque : autant d’effets qui limitent la durée du séjour en orbite. Un système de gravité artificielle répond à ces problèmes de manière globale : il favorise la circulation naturelle, prévient l’ostéoporose, réduit le risque d’atrophie cardiaque et raccourcit le temps de récupération post-mission.
En ce qui concerne les orbites quasi polaires et les vols interplanétaires, la gravité artificielle n’est pas un outil permettant de prolonger la durée des expéditions, mais plutôt un moyen de compenser les pertes physiologiques, permettant aux cosmonautes de revenir sur Terre plus fréquemment sans risque critique pour leur santé.
Source: Chronique spatiale/Roman Belooussov; Crédit graphique: Energuya/Roscosmos et Roman Belooussov
