Soyouz-5 sans pas de lancement ?

Toujours vu du ciel, la pas de lancement 45 à Baïkonour avant les modifications pour le lanceur Soyouz-5.
Le lanceur de classe moyenne va-t-il se retrouver sans pas de lancement ?
Alors que le développement du lanceur Soyouz-5 continue de façon soutenue, celui-ci voit son avenir menacé...par l'absence de pas de lancement!
Des informations, peu claires faut-il le dire, font état d'un contentieux financier entre le TsENKI et le gouvernement Kazakh. Des biens correspondant au projet de transformation du pas de lancement 45 (anciennement Zenit) à Baïkonour pour Soyouz-5 dans le cadre du projet Baiterek auraient été saisis.
Cela ne porterait que sur le projet Baiterek et non sur le reste du cosmodrome, en particulier les infrastructures dévolues aux lancements habités vers l'ISS.
Bien que peu de choses ait filtré de façon officielle, la raison de ces difficulté serait plurielle.
D'abord avec le marché des lancements commerciaux qui s'est évanoui pour la Russie à la fois en raison de la politique de dumping de SpaceX et des sanctions américaines, le projet n'intéresse plus trop les Kazakhs. Ensuite, les évolutions politiques au Kazakhstan font que ce pays souhaite s'éloigner des relations très fortes traditionnelles avec le voisin russe. Un nouveau pouvoir pourtant établi avec le soutien russe. Comme dans beaucoup de ces pays faisant partie de l'ex-URSS, il est bien vu de se montrer indépendant de la Russie et les responsables politiques font feu de tout bois pour adopter cette posture. En particulier, c'est semble-t-il celle de Bagdat Mousine, le ministre responsable, entre autres chose du domaine spatial (Ministre du développement numérique, de l'innovation et de l'industrie aérospatiale). Tout ça au conditionnel car cela ne transparaît pas dans les déclarations officielles.
Quoiqu'il en soit, la transformation du pas de lancement n'a pas commencé et le lanceur Soyouz-5 risque de se retrouver en 2024, date de sa mise en route expérimentale, sans pas de lancement, alors même que son développement est en très bonne voie.
On peut tout de même de se demander ce qui pousse le Kazakhstan à mettre des bâtons dans les roues de ce projet qui a, par ailleurs, connu une multitude de changements et revirement des intéressés. En effet, ce projet est le seul qui, à terme, peut permettre de conserver une activité à Baïkonour. Le lanceur Proton doit terminer son exploitation en 2025 (comme le prévoient les accords Russo-Kazakhs), et les lancements du programme habité seront un jour ou l'autre transférés à Vostochny avec, à l'horizon, la cessation de l'exploitation de l'ISS d'ici la fin de la décennie. Bien sûr d'ici là quelques obstacles du côté russe seront à surmonter: développer des installations pour accueillir la préparation finale des cosmonautes à Vostochny et peut-être adapter le pas Soyouz de Vostochny aux activités pilotées. Là rien d'impossible cependant. Dans ce cas le Kazakhstan perdrait définitivement la renommée acquise avec le cosmodrome de Baïkonour...et donc une part du prestige qui va avec. Mais quand les intérêts purement financiers ou du personnel politique font la loi...
Pour ce qui est du lanceur Soyouz-5 c'est une autre affaire. Quelles perspectives? Ce lanceur est le premier lanceur russe à être conçu spécifiquement pour abaisser significativement le coût de lancement. Il serait étonnant que les Russes renoncent à un projet si avancé car les lancements fédéraux et militaires devraient en profiter également. Deux solutions s'offrent à eux. Ils pourraient construire un pas de lancement spécifique à Vostochny. Cela était, d'une certaine façon, prévu dans le projet de lanceur super-lourd, qui reposait sur la base de soyouz-5. Mais cela c'était avant l'abandon de ce projet. L'autre solution: réaménager la base flottante Sea Launch, toujours ancrée en extrême-orient. Cela est concevable puisqu'il s'agit de transformations similaires à celles du pas 45 de Baïkonour. Cela augmenterait même la capacité de lancement puisque réalisé depuis l'équateur. Reste que l'une ou l'autre de ces deux solutions ne se ferait qu'avec l'apport financier d'un seul partenaire: la Russie. Et pour l'instant un tel financement n'est pas envisageable.
Ne serait-il pas préférable que les deux partenaires s'entendent ? A suivre.
Rédaction de kosmosnews.fr; Crédits photographiques: TsENKI et Roscosmos