Une nouvelle incarnation du lanceur Rokot (Rokot-M) en 2022 ?

Lancement Rokot le 2 juin 2010 depuis Plesetsk (Photo TASS/ Andreï Morgounov). Photo d'archives. Extérieurement Rokot-M ne devrait pas se différencier de la version précédente.

Verra-t-on dans les prochaines années une nouvelle incarnation du lanceur Rokot dont le dernier et final lancement a eu lieu fin 2019 ?

Rappelons l'histoire de ce lanceur léger: il a été créé dans le cadre du programme de conversion du missile balistique intercontinental RS-18 (SS-19 pour l'OTAN). Le premier lancement du Rokot a eu lieu depuis le cosmodrome de Plesetsk le 16 mai 2000. Au total, dans le cadre du projet "Rokot" il a été converti et a lancé à 31 exemplaires. Le dernier décollage de la version de base de «Rokot» a eu lieu le 27 décembre 2019 depuis Plesetsk.

Suite aux accords de réduction des armes nucléaires à la suite de la fin de la guerre froide, ce lanceur présentait l'avantage d'être déjà produit et donc en quelque sorte "gratuit" pour sa production de base. Un étage d'injection, le Briz-KM (le Briz-M du lanceur Proton sans son réservoir additionnel) a été développé par Khrunitchev afin de le rendre utilisable pour orbiter des satellites de masse moyenne sur des orbites synchrones du Soleil depuis le cosmodrome militaire nordique de Plesetsk qui possède le pas de tir au site 133. Son inconvénient: l'utilisation d'ergols liquides stockables mais toxiques mal vus du point de vue environnemental. Cependant ce lanceur est apparu comme particulièrement intéressant du point de vue financier à tel point qu'une société russo-allemande (Eurokot) a été créée par Khrunitchev et ArianeGroup pour le commercialiser.

Pourtant le destin de Rokot a semblé scellé lorsque le conflit entre la Russie et l'Ukraine a précipité l'arrêt des lancements en 2019: le missile était, comme de nombreux engins spatiaux créés en URSS, pourvu de composants et de systèmes de contrôle...ukrainiens!

Dès 2018, Khrunitchev a annoncé l'étude d'un projet de développement d'un système de contrôle domestique (c'est-à-dire russe). Pourtant ce projet de remplacement ne semblait pas une priorité dans la mesure où RKTs Progress avait mis-au-point la version légère du lanceur Soyouz (Soyouz 2.1v) et son étage d'injection Volga et que la société Khrunitchev elle même comptait sur la version légère de l'Angara (A1).

Or aujourd'hui le projet d'un lanceur Rokot-M, tel que défini plus haut semble se concrétiser, en raison du développement très important du secteur des petits satellites sur une orbite très inclinée (on dira "polaire") favorable à l'observation de la surface totale de la Terre.

Il faut croire que tout bien pesé, cette solution est financièrement intéressante quand vous avez déjà le pas de tir et les trois quarts du lanceur déjà disponible...

Ainsi le 15 juin Alexeï Varochko, le directeur de Khrunitchev a informé que le lanceur Rokot-M avec le système de contrôle russe pourra être lancé pour la première fois en 2022.

"Le premier lancement de la fusée spatiale Rokot-M est prévu en 2022. Nous considérons le lanceur Rokot comme la solution optimale pour lancer des petits et moyens engins spatiaux sur des orbites solaires synchrones et quasi polaires", a-t-il déclaré.

Il a noté que, compte tenu des perspectives de développement de ce segment du marché des satellites, "parmi les clients potentiels du lanceur Rokot-M, pourraient figurer des opérateurs de systèmes satellitaires russes et étrangers, des agences spatiales nationales, des organisations, des instituts de recherche".

"Les spécialistes ont achevé la conception technique du missile russe Rokot-M modernisé, qui recevra un système de contrôle national au lieu de celui ukrainien installé sur la version précédente", a déclaré Varochko.

"Actuellement, la conception technique est terminée et la production de la documentation de conception opérationnelle a commencé. Pour mettre en œuvre le projet Rokot-M, nous prévoyons la même coopération [des entreprises], mais le booster Briz-KM sera équipé du système national de contrôle mis-au-point par le FSUE NPTSAP [Centre scientifique et de production pour l'automatisation et l'ingénierie des instruments du nom de l'académicien N. A. Pilyouguine -NDLR]", a déclaré Varochko.

Varochko a déclaré que dans le cadre de l'arrêt de la version de base du lanceur, il a été décidé de poursuivre la production de ce missile dans une version modernisée. «Le projet s'appellera Rokot-M», a-t-il déclaré.

En août 2018 déjà, des documents de Khrunichev, présentés au forum Army-2018, ont montré que la société travaillait à créer un lanceur Rokot-2 avec un nouveau système de contrôle qui remplacera la version ukrainienne installé sur les missiles de la série Rokot antérieur. Ce lanceur prendra donc la dénomination Rokot-M.

Source et crédit photographique : TASS et Ministère russe de la défense

Le lanceur Rokot sort de son canister lors du dernier lancement de la version de base du lanceur en décembre 2019 ©Ministère de la défense russe.