Vers un trajet vers l’ISS en 2h et un peu plus d’une orbite?

Le schéma de vol en 2 orbites réalisé par Progress MS-14.

A l'occasion de la retransmission par Roscosmos TV du lancement de Progress MS-14 et des courtes interviews proposées à cette occasion, il a été donné la parole à Rafail Mourtazine le chef du département balistique d'Energuya.

Celui-ci a expliqué le principe du schéma de vol emprunté par Progress MS-14 (voir l'illustration ci-dessus) lui permettant de rejoindre l'ISS en un peu plus de 2 orbites et 3 heures et 20 minutes.

Il a aussi indiqué travailler sur un schéma encore plus court, à savoir un schéma en un peu plus d'une orbite seulement et 2 heures.

Quel intérêt? Dans le passé le trajet se faisait en 2 jours! Ce qui, lorsqu'il s'agit d'un équipage de cosmonautes n'est pas particulièrement agréable pour ces derniers compte-tenu de l’exiguïté légendaire du vaisseau Soyouz. Raccourcir ce temps a donc d'abord été un objectif de bien-être humain. Désormais le voyage peut durer seulement 6h ou même un peu plus de 3h comme la montré Progress MS-14. La justification de chercher un trajet le plus court possible est aussi de pouvoir envoyer vers l'ISS des échantillons (biologiques par exemple) qui demanderaient à être traités expérimentalement dans un bref délai. Même sur Terre, ce problème de temps de transport est le lot fréquent des chercheurs en biologie. Cependant compte-tenu du temps qu'il faut ensuite pour autoriser l'ouverture de l'écoutille (égalisation des pressions...) il n'est pas certain que cela fasse une différence pratique significative.

En fait il y a, dans cette recherche, une raison de...recherche pure et de défi: les balisticiens aiment à se prouver qu'ils peuvent le faire!

C'est aussi de mettre à l'épreuve leur savoir-faire. De ce point de vue les russes semblent avoir ce qu'il faut: faire arriver sur l'ISS en 3h20 un cargo depuis la Terre et l'arrimer de façon automatique: bravo!

Surtout que tout cela n'est pas si simple à réaliser. Et d'ailleurs les conditions balistiques et temporelles doivent être réunies. Généralement une petite correction d'orbite de l'ISS est réalisée quelques jours avant. Les orbites doivent être à peu près dans le même plan et les lois de la mécanique céleste s'imposent. De plus, les deux ensembles, vaisseau et station, doivent être "dans le jour" (dans l'espace circum-terrestre le jour dure 45 minutes!), c'est-à-dire éclairés, afin que les contrôleurs au sol et les cosmonautes sur l'ISS...y voient quelque chose. Sans compter qu'une partie des opérations doivent se faire dans les zones de visibilité radio depuis les stations au sol ou les satellites relais.

Rafail Mourtazine a proposé (voir les schémas montrés lors de l'interview ci-dessous) un trajet en un peu plus d'une orbite seulement. Celui-ci pourrait être testé en vol soit avec Progress MS-15 une fois sa mission achevée fin 2020-début 2021 (approche de l'ISS sans arrimage) ou même à la fin de la mission de Progress MS-13 en juillet 2020.

Enfin il n'est pas à douter que tout l'expérience accumulée dans ce domaine servira lors du développement du futur vaisseau piloté russe Orël dont bon nombre des technologies, éprouvées, seront réutilisées sur celui-ci.

Source et crédits d’illustration: Roscosmos TV et anik sur Twitter

Schéma comparatif du trajet en 2 orbites (en haut) et d'un potentiel trajet en 1 orbite et demie (en bas).

Un autre schéma montrant le détail du trajet en 1 orbite et demie.