Incertitudes et mauvaises nouvelles pour le spatial?

Un terminal OneWeb. © OneWeb

La vie n'est pas toujours sans difficultés pour ceux qui essaient de relayer des informations les plus exactes possibles.

Vous l'avez sans doute remarqué toutes les informations données sur kosmosnews.fr sont accompagnées de la  référence à une ou plusieurs sources. Une attention rigoureuse est apportée à cet aspect des publications.

Cependant encore faut-il que les sources d'information soient elles-mêmes dignes de confiance et méticuleuses dans leurs annonces. Si on ajoute à cela les difficultés de traduction à partir du russe, on peut parfois se trouver pris en défaut ou demeurer dans le doute.

Ainsi, on apprend aujourd'hui (le 30 mars 2020) que la plateforme en mer Odyssey (en cours de relocalisation en Russie) est arrivée au port de Slavyanka. Comment-ça?!! On avait cru comprendre, le 25 mars, d'après un twitt de D Rogozine qu'elle l'était déjà à cette date...

D Rogozine disait dans son twitt du 25 mars: "Nous avons besoin de ces migrants: la plate-forme de lancement du port spatial Sea Launch est arrivée au port de Slavianka, en Extrême-Orient. La structure a surmonté avec succès l'Océan Pacifique".

Aujourd'hui, le 30 mars, RIA Novosti écrit: "Le navire de transport de Hong-Kong Xin Guang Hua, avec la plate-forme de lancement Odyssey du projet de port spatial Sea Launch, est arrivé lundi dans la rade du port de Slavyanka dans la région du Primorye" a déclaré à RIA Novosti un porte-parole du groupe de dédouanement des navires au terminal maritime du port. "Le navire est arrivé dans la rade. Deux heures plus tard, nous commencerons son dédouanement" a déclaré l'interlocuteur de l'agence, rappelant que le navire avait quitté Long Beach le 2 mars. "Il est prévu que mardi la plate-forme soit retirée du navire dans la rade et emmenée au chantier naval de Slavyansk."

Il faut donc supposer que D Rogozine a un peu anticipé... Peut-être a-t-il voulu dire "dans les eaux territoriales russes", ou bien encore le bateau avec la plateforme est-il resté quelques jours à distance du port avant d'être autorisé à accoster. Allez savoir.

Moins anecdotique mais plus curieux (et plus inquiétant?): alors que les infos de la relocalisation de Sea Launch en Russie et de sa future adaptation à un nouveau lanceur se font plus nombreuses et relayées par le DG de Roscosmos (D Rogozine), voilà qu'un "expert", Ivan MoÏsseev, de l'Institut de Politique Spatiale, déclare "Le cosmodrome en mer, délocalisé des États-Unis en Russie, sera finalement découpé en morceaux, car il n'est pas intéressant pour le marché spatial ou Roscosmos. Sea Launch était une bonne idée à l'époque, mais maintenant il n'a pas de fusée, et personne ne prévoit de fabriquer cette fusée. Je ne vois aucune perspective. Il n'y a plus de clients actuellement. La seule option est de l'envoyer (la plateforme de lancement - ndlr) à la ferraille. Pas de fusée, pas de commandes. Que voulez-vous en faire? "Dit Moïsseev. Roscosmos n'a pas non plus besoin d'une plate-forme offshore, estime l'expert. "Roscosmos a étudié la possibilité de l'utiliser pour tester la prometteuse fusée Soyouz-5 mais sans résultats. Il restera un certain temps (à l'usine de Slavianka - ndlr), puis il ira à la ferraille. Le temps du lancement depuis la mer est passé", a déclaré l'expert.

[Alors quelles sont les intentions réelles à la fois des autorités russes et de la société S7 ? D'autant que Sea Launch avait obtenu le statut de résident de la zone de port franc de la région extrême-orientale.

Du côté des autorités russes des efforts avaient été faits pour ne pas laisser partir Sea Launch à l'étranger. D'où le forcing pour faire racheter la plateforme d'Energuya par une société russe, c'est-à-dire au final S7. Par ailleurs, même si la plateforme n'est pas le moyen de lancement le plus économique, il faut garder à l'esprit que la Russie du fait de l'emplacement de son territoire, très au Nord, n'a pas de base spatiale proche de l'équateur. D'où un intérêt stratégique.]

On apprend aussi que le DG de S7 Space a été remplacé il y a quelques jours (bien que son profil soit toujours à ce jour affiché sur le site de S7 Space): Rano Juraeva a été remplacée par Sergueï Savchenkov. [Y-a-t-il une relation de cause à effet?].

A suivre donc.

Ce n'est pas la seule incertitude qui se fait jour pour le spatial russe et européen: dès avant le lancement de 34 satellites OneWeb, on avait appris que OneWeb allait se mettre sous la protection du chapitre 11 (aux USA, déclaration de faillite), car en manque de liquidités et à la recherche d'investisseurs pour sa constellation de satellites internet. Cela ne veut pas dire que la société met définitivement la clé sous la porte. Néanmoins on apprend aujourd'hui que les créanciers de la société britannique par satellite en faillite OneWeb, y compris l'opérateur de services de lancement Arianespace, ne recevront pas leur argent, un résultat qui découle du bilan de OneWeb.

Samedi, OneWeb, dont les satellites de communication sont lancés par des lanceurs russes Soyouz ou europén Ariane des cosmodromes de Baïkonour, Vostochny et Kourou, a déposé son bilan auprès d'un tribunal de l'État américain de New York.
"Une fois les frais administratifs payés, les fonds ne seront pas disponibles pour distribution aux créanciers sur les dettes non garanties", indique le bilan de OneWeb sur le site Web d'Omni Agent Solutions, un fournisseur de contentieux américain.
Selon le document, le plus grand prêteur non garanti de OneWeb est Arianespace, avec plus de 238 millions de dollars.
[Du coup on se demande bien quelles seront les conséquences pour le côté russe, en particulier pour RKTs Progress qui a fabriqué de nombreux lanceurs Soyouz 2.1 pour ce programme chargé. Les lancements OneWeb continueront-ils? Les lanceurs sont évidemment réutilisables pour d'autres missions. Les russes seraient-ils en capacité d'investir de façon conséquente, voire majoritaire dans OneWeb (une solution qui avait été repoussée antérieurement) ?]
Et Arianespace?
A suivre également dans les prochaines semaines et mois.
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