La stratégie de Roscosmos pour les lanceurs russes

Schéma adapté librement à partir d'une illustration d'Anatoly Zak sur son site www.russianspaceweb.com

Mise-à-jour du 11 septembre: selon TASS, dans la vidéo hebdomadaire "Космическая среда" n°250, Rogozine présente le lanceur Soyouz-6 comme le développement du second étage (bloc central) lanceur super-lourd Yenisseï, Soyouz-5 en étant celui du premier étage.

Mise-à-jour du 9 septembre: en réalité le nom du lanceur Soyouz-6 sera plutôt "Amour". On change de fleuve, on passe à celui qui sépare Chine et Russie en Extrême-Orient, mais aussi le nom de la Région où se situe le cosmodrome Vostochny. Et ne pas fantasmer: la traduction de Амур du russe en anglais bien souvent par "Cupid" n'est pas corrrecte. Cela n'a rien à voir avec l'amour puisque cela signifie plutôt "boueux" ou "noir" pour le fleuve. En chinois le fleuve Amour est nommé "Fleuve noir". De plus le nom de Volga est déjà attribué dans le domaine de l'espace au bloc d'injection (troisième étage) du lanceur léger Soyouz 2.1v, il est donc logique que le nouveau lanceur soit dénommé autrement.

Après la réunion avec Vladimir Poutine (voir notre article) à Vostochny, la stratégie de Roscosmos, entérinée par le président russe, apparaît plus claire. Mais dans un premier temps la confusion s'était installée.

Nous revenons donc sur cette stratégie avec un schéma.

Tout d'abord rappelons que cette stratégie sera basée sur 3 lanceurs différents à partir de 2025. Mettons de côté le lanceur Proton-M qui terminera sa carrière d'ici 2025 quoiqu'il arrive (accord de la Russie avec le Kazakhstan).

Le premier d'entre eux est représenté par la série 2 du lanceur soyouz avec ses déclinaisons 2.1a, b, et v. Ces lanceurs de classe moyenne (a et b) et légère (v) vont assurer la transition durant le développement des nouveaux lanceurs, ce qui prendra un certain temps. De plus il est probable que l'utilisation de ce lanceur perdure très longtemps. Faisons un pronostic: ce lanceur continuera sa carrière au moins jusqu'en 2030... Il est un peu compliqué à fabriquer, sa motorisation est ancienne mais il est éprouvé, donc fiable. De plus il possède des pas de tir nombreux dont 3 à Plesetsk, 1 à Baïknour et 1 à Kourou.

Le second lanceur est représenté par l'Angara A1 et A5 avec différentes déclinaisons. Ce lanceur ne sera en production en série que vers 2022 ou 2023, il est pour le moment produit "à l'unité". Il semble acté que le PTK, désormais nommé "Ariol" (L'aigle), sera lancé, au moins dans une première phase, par l'Angara A-5P. Ce lanceur dispose d'un pas de lancement à Plesetsk et un, en début de construction, au cosmodrome Vostochny. D'abord développé dans les années difficiles de l'après URSS, il possède toutefois des moteurs modernes (RD-190).

Le troisième lanceur, il faudrait dire la série de lanceurs, est représenté par le lanceur Soyouz-5/Irtish. A partir de ce lanceur, au centre du schéma ci-dessus, seront dérivés d'une part, le lanceur plus léger Soyouz-6/Amour (à gauche), et le lanceur Super-lourd dénommé Yenisseï (à droite). Cette série de lanceurs répond à la logique définie en fin d'année 2018 par Roscosmos, à savoir chaque élément principal d'un lanceur doit pouvoir être réutilisé par un autre lanceur d'une autre catégorie: coûts de développement puis de production abaissés.

Soyouz-5 est motorisé par une version modernisée du célèbre RD-170 ( de la fusée Energuiya de la navette soviétique), le RD-171MV. Six de ce premier étage, équipé du moteur RD-171MV, formeront le premier étage du lanceur super-lourd Yenisseï. Cet étage, raccourci en longueur (donc avec moins d'ergols) et équipé du moteur plus modeste RD-180 constituera le premier étage du lanceur Soyouz-6, la version légère qui, à terme devrait remplacer le lanceur Soyouz-2. C'est ce lanceur qui a été annoncé récemment. Il donnera un débouché à ce moteur RD-180 fourni aux américains (mais dont l'abandon, pour cause de sanctions anti-russes, est programmé d'ici un ou deux ans) et lui-aussi très fiable. Cet étage, toujours le même, gardant cette fois-ci sa taille d'origine mais équipé du moteur RD-180, constituera le second étage (et son "core" central) du lanceur super-lourd Yenisseï.

On n'a pas évoqué ici les étages supérieurs de ces lanceurs. A priori le second étage des Soyouz-5 et -6 devrait être équipé du moteur RD-0124 (2x pour Soyouz-5) car peu d'informations sont disponibles, sinon aucune. Il est d'ailleurs important de noter que les représentations sur le schéma, en particulier pour Soyouz-6, sont une libre interprétation des déclarations des différents responsables et d'un schéma proposé par Anatoly Zak sur son site www.russianspaceweb.com. Les configurations réelles peuvent donc largement être différentes et/ou évoluer...

Enfin notons que, au moins le lanceur Yenisseï, tout comme le lanceur Angara-A5, devrait connaître une montée en gamme grâce à l'utilisation d'un moteur à ergols cryotechniques (Hydrogène/Oxygène liquides) en tout début de développement (le KVTK). Il permettra, avec d'autre modifications, à Yenisseï de prendre le nom de "Don" et lancer de 100 à 140 T en orbite basse.

Ne rêvons pas trop, la Russie n'est pas les USA et leur puissance financière. Même avec la stratégie évoquée plus haut, ces différents lanceurs ne sont pas attendus avant quelques années (2022 pour Soyouz-5, 2025 pour Soyouz-6 et 2028 pour Yenisseï).

Et on connaît les difficultés de l'industrie spatiale, en générale, a tenir les délais. Laissons couler tranquillement les eaux des fleuves Amour, Irtish et Yenisseï.

Sources: Roscosmos et www.russiansoaceweb.com