Réunion commune Académie des Sciences et Roscosmos: le programme lunaire russe en questions

L'Académie des Sciences russe accueille la réunion commune avec les dirigeants de Roscosmos.

C'est une réunion, tenue ce 28 novembre 2018, qui passera probablement inaperçue de beaucoup de médias généralistes. Pourtant elle est unique en son genre dans la période des 25 dernières années.

Il s'agissait de définir les grands axes de la politique spatiale de la Russie pour les 20 prochaines années, excusez du peu!

D'abord il est rare que les deux institutions (l'Académie des Sciences russe - RAN - et Roscosmos), leurs Conseils Techniques et Scientifiques (NTS en russe) précisément, se réunissent ensemble. Ensuite la question posée est évidemment fondamentale: quel projet spatial russe pour le futur? Clairement le vecteur de développement se situe au-delà de l'orbite terrestre.

Si les réponses définitives ne sont pas établies, les grandes idées discutées permettent de comprendre l'état de la réflexion en Russie à la tête de l'Etat, et donc les décisions qui ne manqueront pas d'être prises.

Alors? D'abord les russes considèrent que 2 planètes seulement du système solaire sont potentiellement habitables par l'homme: la Lune et Mars. D'emblée les russes pensent la problématique d'une part dans le cadre d'une présence humaine constante à terme sur une telle planète et d'autre part dans l'idée de la possibilité d'obtenir de nouvelles ressources qui feront défaut à la Terre. Cette seconde considération justifie alors le premier objectif: établir une présence humaine durable sur cette planète si l'on veut en utiliser les ressources.

L'intervention d'Anatoly Petroukovich, Directeur de l'Institut de Recherche Spatiale (IKI RAN), a alors facilité le choix: dans l'état actuel (et proche futur) des technologies de voyage dans l'espace, il est exclu de retenir la planète Mars. Et s'il y a des voyages habités vers Mars ce sera un "one shot", un aller et retour, du type programme Apollo pour la Lune, voire quelque chose qui restera un unique évènement.

Ce sera donc la Lune!

Mais la suite devient encore plus intéressante: compte tenu des radiations cosmiques, la station en orbite lunaire n'est pas très intéressante pour une présence durable et les objectifs scientifiques pas si nombreux que ça. L'objectif devra être alors la surface de la Lune où l'on peut enterrer les installations pour s'en protéger.

Nikolaï Sevastiyanov, Directeur du TsNIIMash, a ensuite exposé les étapes du programme lunaire actuel, et en a proposé d'autres. Nous ne saurons pas lesquels car la réflexion doit continuer, même si Dimitry Rogozine, le directeur de Roscosmos a demandé d'accélérer les réflexions et d'inclure totalement l'Académie des Sciences dans celles-ci pour établir le programme afin qu'il puisse être proposé au gouvernement russe. Selon Lev Zeleny, Directeur Scientifique de l'IKI, il y aura tout d'abord les sondes automatiques Luna-25, 26 et 27. En même temps le développement du nouveau vaisseau Federatsiya et des lanceurs qui l'accompagne Soyouz-5, Angara A5V, lanceur super-lourd. Ensuite un survol humain de la surface lunaire avant des missions à la surface. On parle aussi de l'établissement de deux observatoires lunaires, l'un consacré aux rayons cosmiques, l'autre à la radio-astronomie. Ce programme détaillé et financièrement soutenable par l'Etat russe devrait être définitivement prêt au printemps prochain.

Les participants à la réunion sont convaincus que le développement de ce programme, associant tous acteurs du spatial, permettra de créer de nouveaux dispositifs réutilisables, de concevoir des atterrisseur lunaires pour les futures missions, de rechercher de nouvelles sources d'énergie basées sur le solaire et le nucléaire.

Nos remarques

Les idées exprimées à cette réunion auront des implications internationales. En effet si l'objectif Lune est commun avec les américains, l'objectif d'une base à la surface de la Lune, est moins en accord avec le projet à direction américaine "Gateway" qui vise une station lunaire plutôt comme tremplin vers Mars. On comprend alors mieux les réticences russes à s'impliquer totalement dans ce projet, surtout s'il est dirigé par les USA... Mais les conceptions russes rejoignent les réflexions de certains milieux américains qui ne voient pas clairement l'intérêt actuel d'une station à proximité de la Lune. On peut espérer une évolution de part et d'autre bien que la réunion d'aujourd'hui n'ait pas fait allusion au projet "Gateway".

Mise à jour du 29 novembre:

Hasard ou non l'administrateur de la NASA a déclaré ce jour que la mise en place des infrastructures de vie et de travail sur la Lune seraient ouvertes non seulement aux entreprises privées mais aussi aux partenaires étrangers...

Source et crédits photographiques: TASS, TASS et Roscosmos

Alexander Sergueev (RAN) et Dimitry Rogozine (Roscosmos) entouré à gauche de Lev Zeleny (IKI) et Youri Koptev (à droite).

Anatoly Petroukovich (IKI RAN) pendant son intervention.

Nikolaï Sevastiyanov (TsNIIMash) prenant la parole.