S7 Space, Sea-Launch, KB Youznoïe et Energomash: des intérêts communs?

La délégation de S7 Space en visite au KB Youznoye devant des moteurs RD-8.

Y-a-t-il des bénéfices communs entre la compagnies S7 Space (S7 Space Transport Systems), la société privée russe qui a racheté Sea Launch et KB Youznoïe, le constructeur ukrainien de la fusée Zenit aux moteurs fabriqués par Energomash (fqui partie de Roscosmos) le motoriste russe?

On pourrait croire à priori que non quand on observe l'étendue de la confrontation politique (pour ne pas dire militaire) entre la Russie et l'Ukraine. Mais comme souvent politique ne veut pas dire économie.

Depuis la chute de l'URSS, et surtout depuis le grave conflit entre la Russie et l'Ukraine, pratiquement toute coopération a été stoppée par le gouvernement ukrainien dans le domaine militaire et spatial. Or une partie significative de ces productions étaient historiquement basées en Ukraine. La Russie a donc été face à un défi important: comment faire sans l'Ukraine? Cette situation a forcé les russes a engager toute une politique de relocalisation de ses productions spatiales en Russie, des composants pour le système de rendez-vous spatial du Soyouz au lanceur Zenit. Oui mais voilà, c'est une chose de remplacer de l'électronique, c'en est une autre de remplacer un lanceur, surtout quand on sait que cela ne va pas sans son pas de tir...

Surtout la situation est plus complexe: Zenit était certes fabriquée en Ukraine mais les moteurs (les RD-171M) l'étaient en Russie par Energomash... Autant dire que l'arrêt de la coopération a signé la fin du lanceur Zenit et pour partie un effondrement de l'activité de l'usine du KB Youznoïe (Youzmash), heureusement sauvée par la production du corps de la fusée Antares américaine d'ATK Orbital (cette même production étant sauvée par la fourniture de moteurs par Energomash).

Dans le même temps Energiya qui possédait l'essentiel de la plateforme de lancement en mer Sea Launch a revendu celle-ci à l'entreprise aérienne privée russe S7. S7 se retrouve avec une plateforme de lancement mais pas de lanceur du fait du conflit entre les deux pays.

Nouvel épisode quand les russes tirent un trait sur tout espoir que la situation politique s'arrange, d'autant qu'ils ont besoin d'un lanceur medium un peu plus puissant que Zenit mais proche cependant pour lancer leur futur vaisseau Federatsiya. Ils décident alors de développer Soyouz-5 (en cours) quitte à utiliser le pas de tir Zenit à Baïkonour, au prix de quelques adaptation (projet Baïterek avec leKazakhstan). Alors pourquoi pas aussi une version pour Sea Launch, là-aussi avec quelques adaptations de la plateforme en mer, une sorte de Soyouz-5SL ? C'est l'idée que caresse S7 Space, qui propose même au Kazakhstan de l'aider financièrement dans la rénovation du pas de tir de Baïkonour.

Oui mais! Les projets russes et Kazakhs n'aboutiront que dans quelques années, le temps de développer le lanceur Soyouz-5. Que faire d'ici là? Pourquoi ne pas exploiter Sea Launch avec des lanceurs Zenit? Cela serait possible si la Russie autorisait Energomash à vendre des moteurs RD-171M à KB Youznoïe. Jusqu'ici ce n'était pas le cas.

Or voici que le 16 octobre S7 Space annonce que l'activité de Sea Launch devrait reprendre fin 2019. Peu probable compte-tenu de l'embargo actuel. Et pourtant ce 22 octobre Roscosmos annonce dans un communiqué, où il faut lire entre les lignes des accords entre Energomash et S7 Space dans divers domaines dont un portant sur les conditions "d'achat, de fourniture du moteur RD-171M qui sera commercialisable". Autrement dit surr la possibilité pour S7 Space d'acheter des moteurs RD-171M et de les revendre à KB Youznoïe pour qu'il reprenne la fabrication du lanceur Zenit... On peut supposer que si tout va bien, car on imagine mal Roscosmos agissant sans l'accord du gouvernement, la reprise des lancements depuis Sea Launch puisse être effective, peut-être pas en 2019 mais dans un avenir pas si éloigné.

Il est évident qu'Energomash, qui va un jour ou l'autre perdre des contrats américains (moteur RD-180 de la fusée Atlas), a tout intérêt a pouvoir livrer des RD-171M. D'autant que la chaine de montage du RD-171 ne sera pas tellement différente de la chaine de montage du RD-171MV, le moteur qui équiper la Soyouz-5. A terme on peut imaginer que ne subsistera qu'un type de moteur, voir qu'un seul type de lanceur, la Soyouz-5...

Mais S7 Space a d'autres ambitions: les accords avec Energomash font référence à la "relance de la production, à la certification et à la commercialisation des versions haute altitude et basse altitude d'un des moteurs d'Energomash dans l'intérêt de S7 Space et des projets internationaux". Il ne peut s'agir que du moteur RD-120 selon le site RussianSpaceWeb.com: KB Youznoïe voudrait l'utiliser, sous le dénomination RD-870 pour le premier étage de son futur lanceur léger Tsyklon-M, d'où la nécessité de le convertir en version "basse altitude". S7 Space pourrait payer la licence d'exploitation en échange d'une prise de participation, voire majoritaire dans le projet Tsyklon-M.

A suivre.

Sources: Roscosmos, S7  Space, RussianSpaceWeb.com