Expériences de psychologie spatiale: ce qui unit un équipage ? la gentillesse !

Sept personnes à bord de l'ISS, lors du séjour de Konstantin Borissov, reconnaissable à ses cheveux noirs bien fournis.
Le cosmonaute Konstantin Borissov nous parle des expériences de psychologie Interaction 1 et 2: très intéressant !
L'ISS fonce en orbite à 28 000 km/h, et à son bord vivent des personnes de différents pays, aux origines, aux habitudes et aux visions de la vie variées. Nous travaillons, mangeons, dormons et résolvons des problèmes à quelques mètres les uns des autres, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et non seulement le succès de la mission, mais aussi nos vies, dépendent de la qualité de notre collaboration.
Une question naturelle se pose : comment des personnes d'horizons culturels aussi divers peuvent-elles former une équipe soudée ? C'est précisément la question que les scientifiques sur Terre explorent dans le cadre de l'expérience spatiale Interaction-2.
Qu'a révélé Interaction-1 : les stéréotypes et le stress ?
Des travaux approfondis ont déjà été menés : les scientifiques ont découvert que les astronautes ont tendance à percevoir différemment leurs compatriotes russes et leurs partenaires étrangers. Ce que l'on appelle les stéréotypes est à l'œuvre : un inconnu avec qui l'on communique poliment et formellement semble presque idéal. Et ceux avec qui l'on partage toutes les difficultés de la vie et du travail sont visibles dans toutes leurs aspérités, leurs forces et leurs faiblesses.
Autre découverte importante : sous l’effet d’un stress prolongé, les perceptions de certains cosmonautes se réduisaient à une terminologie manichéenne : « bon-mauvais ». Cela entravait leur capacité à évaluer correctement la situation et compliquait leur travail. Un phénomène de « distance psychologique » croissante entre l’équipage et le centre de contrôle de mission a également été découvert. En termes simples, en orbite, nous avons parfois l’impression de ne pas être pleinement compris sur Terre.
L’expérience « Interaction-2 », toujours en cours, a approfondi ces recherches. La question principale est : comment les différences nationales influencent-elles nos valeurs, notre cohésion et notre perception du leadership, des conflits et des erreurs ?
Pour y parvenir, nous utilisons non pas les questionnaires habituels et fastidieux, mais une méthode informatique intelligente appelée PSPA. Son principe réside dans le fait que nous choisissons nous-mêmes les critères d’évaluation de nous-mêmes et de nos collègues. Nous devons sélectionner 12 « personnalités » : les autres membres de l’équipage, le personnel du centre de contrôle de mission, et même trois images de soi : « Soi réel », « Soi idéal » et « Soi passé ». Nous établissons ensuite des paires de critères (par exemple, « résistance au stress – facilement colérique ») et comparons tous ces « caractères » à ces critères. Cela nous oblige à réfléchir profondément à ce qui compte vraiment pour nous chez les autres.
Ce qui nous unit ? La gentillesse !
Les résultats préliminaires ont été très révélateurs. En utilisant la théorie des valeurs de Schwartz, les scientifiques ont découvert qu'il existe des valeurs communes à tous, quelle que soit notre nationalité :
La réussite (succès, professionnalisme) est importante pour tous.
Le conformisme restrictif (assiduité, maîtrise de soi) est également valorisé.
Mais la valeur unificatrice la plus importante pour les cosmonautes et les astronautes est la gentillesse.
Oui, des concepts simples et intemporels comme « amical », « sincère », « non conflictuel » et « loyal envers le groupe » se sont avérés essentiels pour former un équipage soudé. Dans des conditions d'isolement et de risque, les qualités humaines prennent le dessus.
Bien sûr, il existe des différences. Par exemple, les cosmonautes russes ont un sens aigu des valeurs collectives, reflet de notre culture collectiviste. Mais cela ne nous empêche pas de trouver un terrain d'entente avec ceux pour qui les valeurs personnelles sont légèrement plus importantes.
Pourquoi tout cela ? Pour l'avenir de Mars et de la vie sur Terre.
Cette expérience ne présente pas seulement un intérêt académique. Actuellement, à bord de l'ISS, nous disposons d'une communication rapide avec la Terre et d'un soutien. Mais lors d'un long vol vers la Lune ou Mars, où les communications seront retardées et où aucune aide ne sera apportée, l'équipage devra être une unité totalement autonome et bien coordonnée !
Les techniques testées dans Interaction-2 permettront au cosmonaute participant à un tel vol de recevoir un retour d'information privé sur ses relations avec ses collègues, lui permettant ainsi d'adapter son comportement en temps opportun.
Source: cosmonaute Konstantin Borissov; Crédit photographique: Roscosmos/NASA