Développement de l’astronautique: la réalité est têtue
On se rappelle les promesses de Donald Trump qui avait forcé la NASA à annoncer un retour de l’humain (américain) sur la Lune en 2024.
Bien évidemment cela paraissait irréaliste pour n’importe quel personne un peu versée dans l’activité spatiale. Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc pour voir derrière cette annonce la fanfaronnade politicienne.
Ce qui était le plus encore incohérent c’était la visée scientifique qui n’existait même pas et n’existe toujours pas : à quoi bon refaire, à peine différemment, ce qui a été réalisé il y a cinquante ans par Apollo ?
Au printemps 2019, la NASA a annoncé le projet du programme lunaire "Artemis", composé de trois étapes. Le premier est le lancement dans l'espace à l'aide du nouveau lanceur Space Launch System du vaisseau spatial Orion, qui, en mode sans pilote, devra effectuer plusieurs orbites autour de la Lune et retour. La seconde consiste à survoler le satellite naturel de la Terre avec un équipage à son bord. Dans la troisième phase, la NASA prévoit de livrer des astronautes sur la Lune, puis de les envoyer sur Mars.
Las, c’est mal parti.
La National Aeronautics and Space Administration (NASA) des États-Unis ne sera pas en mesure de respecter le calendrier initial d'atterrissage de personnes sur la lune, et ces dates devront être décalées de « plusieurs années » après 2024. Cette conclusion est contenue dans le rapport publié lundi par l'inspecteur général de la NASA, Paul Martin.
Ainsi, la date de débarquement en 2025, indiquée la semaine dernière par le chef de la NASA, Bill Nelson, selon l'inspecteur général, ne semble pas non plus réaliste. « Compte tenu du temps qu'il faut pour développer et tester complètement un atterrisseur habité (HLS, Human Landing Systems) et de nouvelles combinaisons spatiales, nous prévoyons que la NASA déplacera son calendrier actuel d'atterrissage de personnes sur la lune à partir de la fin de 2024 de plusieurs années », est-il écrit dans le document.
Mais si la NASA reconnait ainsi le caractère illusoire de ses ambitions précédentes, elle ne fait toujours pas amende honorable sur le côté scientifique d’un tel programme même différé. Sans doute compte-t-elle sur ses promesses de retour sur la Lune pour obtenir un peu plus de budget (déjà monstrueux) de la part de l’Etat fédéral. C’est de bonne guerre. Et on sait quels développements technologique et économique le programme Apollo avait provoqué dans les années soixante. Cela se reproduira-t-il ? À voir…
Quant à aller sur Mars, pour les humains, il faut oublier pour les décennies à venir, n’en déplaise à Elon Musk. Ce dernier continue d’amuser la galerie avec essais plus ou moins réussis et petits échecs de son StarShip, mais toujours médiatisés de façon maximale. Tout en assurant, il est vrai, une juteuse activité de lancements commerciaux financés par le privé et…les finances publiques de la NASA.
Comment accepter ces dépenses incroyables, certes privées (d’où vient l’argent pour StarShip?), dans des tentatives dont les développements vont à l’encontre des tendances modernes de l’ingénierie ? Si dans la seconde moitié du siècle précédent la conception des engins spatiaux se faisait beaucoup empiriquement, par le cycle itératif essai/modification/essai/modification…aujourd’hui il est plus efficace et rentable de bien concevoir à Terre un dispositif avant de le tester grandeur nature. Même les Russes ne fabriquent et ne lancent plus deux exemplaires de leurs sondes automatiques en espérant qu’un des deux connaîtra le succès !
Bref, le réalité est têtue et on ne peut pas s’en abstraire : une leçon que la NASA semble se rappeler. Musk devrait faire de même. Mais il a d’autres perspectives que le développement désintéressé de l’astronautique.
Autre chose serait une large collaboration internationale permettant de faire face de façon soutenable aux défis modernes de l’astronautique et de l’avancée de la connaissance des mondes extraterrestres. Pourquoi ne pas envisager d’avancer dans l’exploration lunaire et martienne de la façon, élargie à d’autres pays, que connaît l’ISS ? Et en dosant intelligemment la part de présence humaine et de celle de la robotique.
Kosmosnews.fr avec la source TASS et NASA pour l'illustration du concept de SLS et d'Orion