ISS vers ROSS: le NTS décide une évolution progressive mais programmée
On lira avec intérêt et attention le contenu du communiqué de presse publié par Roscosmos après la réunion du NTS, le Conseil Scientifique et Technique, pour évoquer l'après 2024 et l'après ISS.
Tout d'bord le communiqué lui-même, puis un commentaire sur son contenu.
Le 31 juillet 2021, la société d'État Roscosmos a organisé une réunion du Présidium du Conseil scientifique et technique (NTS) sur la poursuite de l'exploitation de la Station spatiale internationale (ISS) et les résultats de la conception du système de la Station de service orbitale russe (ROSS). Au cours de la réunion du Présidium du Conseil, des rapports et des discours ont été entendus par des représentants de RKK Energuya, TsNIIMash, NPO Tekhnomash, Organisation Agat, TsPK, IKI RAN et IBMP RAN. [Ce sont toutes les organisations majeurs de la cosmonautique habitée].
Le Conseil des concepteurs en chef, après avoir examiné l'état actuel de l'ISS RS [Segment russe de l'ISS], a noté qu'en raison du vieillissement d'une partie importante de l'équipement de la station, la poursuite de l'exploitation du segment russe de l'ISS après 2024 crée des risques supplémentaires. Afin d'éviter l'arrêt du développement continu des infrastructures spatiales proches de la Terre, il est proposé de créer un complexe spatial habité national en orbite terrestre basse - la station de service orbitale russe (ROSS).
Créé avec l'utilisation de nouvelles technologies, ROSS devrait devenir une étape évolutive dans le développement d'un programme pour l'étude et le développement de la Lune, les vols vers Mars et la mise en œuvre de programmes scientifiques et techniques innovants dans l'espace.
Le Présidium du NTS a chargé RKK Energuya et la coopération d'entreprises de mener en outre une analyse de l'ISS RS et de prendre les mesures organisationnelles et techniques nécessaires pour maintenir l'opérabilité et la sécurité de l'ISS RS pendant les travaux de création d'une station orbitale de nouvelle génération, ainsi que de développer un scénario de fin d'opération convenu avec les partenaires ISS.
En outre, le conseil a recommandé que la société d'État de Roscosmos, afin d'éliminer les risques causés par l'état technique de l'ISS RS et l'achèvement prévu de son exploitation d'ici 2028, prenne la décision de commencer l'étude technique de la conception de la nouvelle station orbitale ROSS (dans le cadre de l'ISS ou en tant que station nationale indépendante), prévoyant l'élaboration d'un avant-projet de la station et l'inclusion de ces travaux dans le FKP - 2025 [Programme Spatial Fédéral].
Les commentaires de Kosmosnews.fr:
- Il est clair que la station russe national sera le projet spatial à venir de la Russie: ROSS devrait donc voir le jour.
- Cette station sera conçue sur des bases modernes et comme une station service (ceci est pris en compte dans sa dénomination: Russian Orbital Service Station) pour des vols vers l'espace lointain (Lune, Mars et les recherches techniques et scientifiques innovantes).
- RKK Energuya est chargé d'analyser le segment russe de l'ISS et de prendre les mesures pour en assurer la sécurité et maintenir son opérabilité durant la phase de conception de ROSS.
- Mais aussi de développer, avec les partenaires de l'ISS, un scénario de fin d'opération.
- Roscosmos met clairement une limite à l'exploitation de l'ISS en 2028.
- Mais il reste une question en suspens que manifestement le NTS n'a pas encore réglé: ROSS sera-telle conçue dans le cadre de l'ISS, ce qui semble un peu contradictoire avec les éléments précédents et qui implique de rester sur la même orbite de 51°6, ou bien en tant que station véritablement indépendante sur une orbite quasi polaire, qui a l'avantage d'un survol complet de la Terre mais donc sur une orbite moins favorable aux départs vers la Lune ou Mars...
Vu l'état des modules russes de l'ISS, même avec les nouveaux qui sont ou vont arriver on voit mal l'intérêt de récupérer une partie de la station pour le moins vieillissante. Seule une décision américaine de participer à une nouvelle station proche de la Terre (mais pour l'instant ce n'est pas la voie choisie) avec des conditions équitables de coopération pourrait pousser les Russes, qui tiennent beaucoup à la collaboration avec les USA, à continuer d'une façon ou d'une autre avec une partie de l'ISS.
Dans la foulée la NASA a réagi à la publication du communiqué de presse de Roscosmos:
Commentant cet article, Stéphanie Schirholz, représentante de la NASA, a déclaré à TASS que la NASA "s'attend à pouvoir maintenir le fonctionnement de la station au-delà de cette période - au moins jusqu'en 2028 et, très probablement, plus longtemps". "Nous continuons de mettre à jour notre analyse technique de la durée de vie de la station spatiale", a-t-elle ajouté.
"Notre objectif est une présence continue en orbite terrestre basse afin de pouvoir évoluer de la station vers une ou plusieurs plateformes, où nous pourrons continuer à travailler en orbite terrestre basse", a conclu le porte-parole du département américain.
Il semble que désormais il y ait une position assez voisine, sinon commune, entre Russes et Américains: oui pour maintenir une présence humaine en orbite basse, donc oui à la poursuite de l'utilisation de l'ISS jusqu'à au moins 2028. Et surtout il faut du temps (et de l'argent) pour faire la transition vers les projets futurs. Étonnamment, ce sont maintenant les USA qui ne sont pas pressés d'abandonner l'ISS (contrairement à la situation sous l'ancienne présidence des USA) et les russes peut-être un peu plus. Il faut dire que la question pour les américains est aussi celle-ci: où iraient les vaisseaux de SpaceX (Dragon) ou de Boeing (StarLiner) sans l'ISS? Nulle part. Ces vaisseaux ne sont en aucun cas conçus pour des voyages au-delà de l'orbite terrestre. Seuls les vaisseaux Orion (USA) et Orël (Russie) pourront tester l'orbite lunaire (et probablement le futur vaisseau chinois). Et ce n'est pas le Starship d'Elon Musk, créé pour amuser la galerie, qui changera les choses de ce point de vue.
A suivre bien entendu.