Le fun par le privé et la science par l’Etat ?

Le premier lancement "purement" américain depuis 2011 © RIA Novosti / NASA / Bill Ingalls

Une fusée américaine à la une de Kosmosnews.fr ? Oui car les russes réagissent au premier lancement habité purement américain depuis 2011.

Il faut donc donner la parole à des contradicteurs de l'opinion de Roscosmos. Ainsi un chercheur de premier plan à l'Institut de recherche nucléaire de l'Académie russe des sciences Vyacheslav Dokouchaev dans une interview avec « Govoritmoskva » a qualifié le lancement de la fusée Ilon Mask d'une réalisation exceptionnelle.

Selon Dokouchaev, l'exploration spatiale devrait être développée pour des moyens privés, afin que ceux qui souhaitent explorer l'espace puissent investir leur argent. "Et l'Etat, tout d'abord, devrait investir dans l'espace scientifique. Ce sont des machines automatiques, des robots. Tout va dans le bon sens", a expliqué l'expert. Selon lui, le vol a montré que "l'espace privé" a de grandes perspectives, et la décision d'Ilon Mask et de sa compagnie est la bonne. "Et le fait que cela soit partiellement soutenu par le gouvernement est une réalisation très importante. Cela ouvre de grandes perspectives", a déclaré Dokouchaev.

Ce n'est pas le point de vue de Roscosmos dont le programme comprend un aspect d'espace piloté significatif.

[On doit faire deux remarques.

D'abord il y a une mystification (qui marche!) qui fait croire que le lancement et la conception de Dragon Crew serait un processus privé: ce qui est faux, même si Dokouchaev admet qu'il soit "partiellement" soutenu par le gouvernement. Ce n'est pas "partiellement" mais "entièrement" soutenu par la NASA. Certes Ilon Musk a le mérite d'avoir créé son entreprise et d'avoir cherché, avec réussite, les financements publics.

La seconde remarque c'est que dans l'intervention de Dokouchaev on détecte immédiatement son intérêt propre: demander à ce que l'État renonce aux vols habités (il ne le dit pas comme ça) et redirige les financements vers la science fondamentale...c'est-à-dire, pour partie, pour son laboratoire. On ne peut lui en vouloir, il saisit l'occasion. Pourtant l'opposition entre exploration spatiale "habitée" et exploration "avec des robots automatiques" est un faux problème. La question est de savoir quel part du revenu d'un pays doit être attribuée à la recherche en général et quelle place y tiennent l'intervention et la participation des humains. La soif de connaissances et de découvertes, inhérente par essence à l'Homme, ne peut se passer hors de la présence tangible de l'Homme. C'est se méprendre que croire que la recherche serait mieux soutenue si l'on renonçait aux vols habités: d'ailleurs l'engouement, tout relatif, de l'opinion mondiale pour le lancement de Dragon Crew doit beaucoup à la présence des deux astronautes...quand à compter sur le privé pour financer des vols vers la Lune et Mars, on attend de voir].

Source et crédit photographique: RIA Novosti/NASA/BIll Ingalls