Cosmodrome de Baïkonour: quel futur?

La cité de Baïkonour au Kazakhstan.

Quel avenir pour Baïkonour?

Cette question se pose depuis la disparition de l'URSS et l'obligation pour la Russie de louer son cosmodrome mythique. Depuis cette période le cosmodrome et sa ville sont loués au Kazakhstan et en principe le bail va jusqu'en 2050.

Oui mais... des difficultés n'ont pas manquées de se faire jour durant les 25 dernières années avec le pays hôte, pays hôte qui a toujours oscillé entre la tentation (bien compréhensible) de tirer partie du passé glorieux de ce site et le danger, en exigeant trop de la Russie amie, de voir le site abandonné.

De leur côté les russes ont toujours affirmé qu'il était nécessaire pour un pays comme la Russie de disposer d'un accès à l'espace indépendant, ce qu'ils ont fait avec la construction du cosmodrome "Vostochny" à Tsiolkovsky dans l'extrême orient russe.

Il reste que des installations particulièrement développées existent à Baïkonour pour le lancement des vaisseaux pilotés. Outre l'infrastructure générale, il existe à Baïkonour tout ce qu'il faut pour la préparation finale des cosmonautes et de leurs vaisseaux. Les acquêts de la période soviétique, souvent modernisés, représentent une valeur importante qui empêche de transférer les lancements habités dans un autre cosmodrome, par exemple Vostochny, à moins d'un lourd investissement. Cela se fera probablement à terme, mais pour l'instant la Russie manque de moyens et de temps.

Au-delà de la question des financements, se pose des questions techniques: Vostochny ne peut pas pour l'instant lancer des vaisseaux habités et, par ailleurs, les steppes kazakh sont particulièrement propices à la récupération rapide des cosmonautes au retour de l'espace (ou même en cas d'avarie au lancement) ce qui n'est pas le cas à Vostochny ou la trajectoire mène...en mer! Clairement les russes ne sont pas prêts pour la récupération des engins spatiaux en mer, même si un bateau (voir ici) est en cours de modernisation à cet effet. Même un retour sur Terre aux environs de Vostochny poserait des problèmes sans zones préparées, et que dire d'un retour d'urgence. Des accords avec le Kazakhstan ont permis à la situation de se maintenir ces dernières années "en l'état", les kazakhs comprenant bien l'intérêt de poursuivre une activité spatiale à Baïkonour. Le départ des russes condamnerait le site...à un rôle de musée.

Le projet Baïterek, russo-kazakh, a donc pour but de continuer l'activité spatiale, avec le bénéfice pour la partie kazakh d'être partie prenante d'une nouvelle activité au cosmodrome. Les russes devraient aussi y trouver leur compte avec les essais de la nouvelle fusée Soyouz-5/Irtish et du nouveau vaisseau piloté PTK*. Surtout ces essais seraient facilités sur un polygone, comme expliqué plus haut, où les moyens de suivi sont déjà présents et les moyens de récupération déjà fonctionnels.

Or il apparaît que la part de l'intervention financière du Kazakhstan (25% du projet, modernisation et adaptation du pas de tir anciennement Zenit) ne soit pas tout-à-fait acquise. D'intenses négociations sont en cours à la fois sur les montants et sur les délais (le pas de tir devra être disponible pour 2022).

Mais l'histoire ne s'arrête pas là: avec la très proche fin de la fusée soyouz version FG (celle qui lance les vaisseaux pilotés), le pas de tir n°1/5 (dit "Gagarine start") ne sera pas adapté aux lancements de la version suivante, la soyouz 2.1a et b. Il devra être donc abandonné ou...modernisé. Or si les russes souhaitent avoir un pas de tir de "secours" en cas de problème avec l'autre (n°31/6) ils ne semblent pas très enclins à financer sa mis-à-jour. Toujours une question de territorialité.

Avec la fin, en 2025, des lancements Proton, l'arrêt éventuel donc du fonctionnement du pas de tir n°1, l'activité militaire ayant cessé depuis longtemps, le rôle du cosmodrome de Baïkonour se voit grandement réduit et son étendue disproportionnée.

De plus, les ingénieurs et techniciens russes commencent à rechigner à travailler à Baïkonour, loin de leur pays et dans une zone où la vie, hors de l'activité spatiale est limitée, surtout quand celle-ci diminue. Roscosmos a désormais du mal à maintenir le personnel nécessaire aux lancements et surtout à les sédentariser.

On le voit le projet Baïterek est essentiel pour les deux pays, et on pourrait même penser qu'il est essentiel pour le Kazakhstan sans quoi le cosmodrome deviendra progressivement une sorte de musée d'un passé, certes glorieux, mais passé quand même. On peut donc s'attendre à ce que les deux pays trouvent un accord pour mener à bien et rapidement ce programme. A suivre.

* mise-à-jour du 25/04/2020: le PTK a migré sur le lanceur Angara, il ne sera pas exploité à Baïkonour.

Source: Roscosmos - Interview de Dmitry Rogozine à Radio Komsomolskaya Pravda

Milkus Alexander and Dmitry Rogozin in the studio Radio "Komsomolskaya Pravda" / Viktor Guseinov

Dmitry Rogozin in the studio Radio "Komsomolskaya Pravda" / Viktor Guseinov

Roskosmos head Dmitry Rogozin in the studio Radio "Komsomolskaya Pravda" montrant un teeshirt reproduisant la première page du journal lors de l'annonce du vol de Gagarine le 12 avril 1961/ Viktor Guseinov

Dmitry Rogozin, Andrey Gorbunov and Alexander Milkus in the studio Radio "Komsomolskaya Pravda" / Viktor Guseinov