L’espace russe selon Youri Koptev

Youri Koptev, Président du Conseil Technique et Scientifique de Roscosmos.

Youri Koptev, le Président du Conseil Technique et Scientifique de Roscosmos a donné une interview à RIA Novosti.

Ci-dessous une transcription (très libre) des principaux points abordés par cet ancien Directeur de Roscosmos.

Prolongation de l’ISS

Selon Youri Koptev, il faut utiliser l’ISS aussi longtemps que ce sera possible car c’est un formidable outil pour assurer les futures missions au-delà de l’orbite terrestre. Si l’ISS est abandonnée il n’y aura rien de pareil dans le futur de créé. Si les conditions politiques restent ce qu’elles sont, des discussions entre tous les partenaires devraient débuter en 2019 pour la prolongation de l’ISS jusqu’en 2028.

Commercialisation de l’ISS

Le coût annuel pour les USA de la maintenance c’est 3,2 milliards de dollars et les perspectives de profits commerciaux de 100 millions donc la maintenance de l’ISS ne peut être que du ressort de l’action publique.

Quelle direction future ?

Le mouvement est clair : au-delà de l’orbite terrestre. Mais les priorités américaines changent constamment  et même le « Lunar Gateway » ne fait pas l’unanimité chez les américains. Chez nous les questions scientifiques sont posées par l’Académie des Sciences et de l’autre côté, du côté technologique il y a une série de défis : où se poser sur la lune, création d’une fusée super-lourde, d’un vaisseau de nouvelle génération (Federatsiya), la création du pas de tir correspondant et aussi le problème des radiations pour un séjour prolongé en raison de l’absence d’un champ magnétique prononcé sur la lune. IL faudrait enterrer les modules, établir des protections, étudier les effets de la pesanteur réduite sur la lune (1/6 de celle de la Terre). Beaucoup de questions non résolues actuellement.

Quelle participation russe au « Lunar Gateway » ?

Elle ne peut s’envisager que si la Russie en est un partenaire majeur et pas pas seulement un simple participant.

Quelles autres coopérations proposées?

Créer un programme lunaire avec la Chine ou les BRICS. Nous avons à offrir des éléments importants : un nouveau vaisseau, un projet de fusée superlourde, le nouveau cosmodrome Vostochny, le tout doit être mis ensemble pour être proposés aux partenaires.

Un Soyouz pour survoler la Lune ?

C’est possible mais d’une part cela apparaîtrait peu novateur (cela a été fait il y a 50 ans par les américains) et d’autre part cela divertirait des moyens financiers pour la mise au point du nouveau vaisseau Federatsiya. Donc le jeu en vaut-il la chandelle ?

Et les lanceurs réutilisables ?

C’est la mode, mais un lanceur réutilisable coûte 30% en matière de capacité de lancement. Par ailleurs l’objectif que, comme un avion, ce lanceur soit de nouveau en état d’être réutilisé dans les 24h, n’est probablement pas atteint aujourd’hui.

Et en ce qui concerne la réutilisabilité du futur vaisseau Federatsiya ?

Il sera réutilisable pour la partie seulement qui revient sur Terre et encore faudra-t-il changer le bouclier thermique. Si l’on imagine un engin réutilisable comme un avion, les profits réalisés proviennent de la maintenance tout au long de la vie de l’engin, mais cela ne marche que sur un nombre important de vols et d’engins. Pour un vaisseau spatial, qui ferait un ou deux vols par an (au mieux), ce n’est pas concevable d’un point de vue économique : comment va faire l’entreprise si elle ne produit pas des vaisseaux régulièrement comme c’est le cas actuellement pour les soyouz ?

Comment voir le futur du spatial russe ?

Sans être timides, ne pas tergiverser, mais en prenant raisonnablement en compte notre expérience passée, comment les choses ont été faites par nos prédécesseurs, tout en étant réalistes par rapport à nos moyens.

D'après une interview en russe réalisée par Denis Kayyran de RIA Novosti. Crédit photographique: Rostekh