Energia: un projet d’hôtel de l’espace sur le segment russe de l’ISS

Vladimir Solntsev, DG d'Energia

L’idée a été maintes fois proposée mais jamais réalisée… a-t-elle cette fois-ci une réelle chance de voir le jour ? A lire l’interview de Vladimir Solntsev, le Directeur Général d’Energia qu’il a donnée au journal Komsomolskaïa Pravda, peut-être le projet pourrait-il se réaliser.

Destiné à de riches touristes (un séjour facturé probablement autour de 100 millions de dollars !) ce module touristique ferait partie du segment russe de l’ISS et disposerait d’un confort amélioré par rapport aux conditions des précédents touristes de l’espace : large hublot pour admirer la Terre, compartiment « salle de bain », voire possibilité d’une sortie dans l’espace… à priori le programme est alléchant pour qui peut se le payer.

Un second NEM, aménagé en hôtel

L’idée cette fois-ci semble avoir des bases plus réalistes que les précédentes tentatives. Pourquoi ? Dans le passé l’opération s’est heurtée à des conditions de retour sur investissement extrêmement rédhibitoires : il fallait concevoir, produire puis lancer un nouveau module spécifique. Or cette fois-ci et c’est l’idée développée par Energia, le module est presque disponible !... En effet Energia a déjà développé, sur commande de Roscosmos, le nouveau module NEM (Module Scientifique et Energétique) qui doit être lancé en 2019 et fournira à la fois de l’espace pour les expériences russes et l’énergie que les russes obtiennent actuellement en partie des panneaux solaires de l’ISS donc du segment américain. Initialement 2 modules NEM étaient prévus mais les limites du budget spatial russe n’ont pas permis sa programmation. Du point de vue d’Energia, il est dommage que les lourds investissements de conception et développement du module NEM ne puissent bénéficier qu’à un seul module. Et effectivement la fabrication des pièces et la construction du module en lui-même ne sont pas ce qui est le plus couteux, d’où l’idée que des investisseurs pourraient prendre en charge ces coûts qui pourraient être rentabilisés assez rapidement (en 7 à 8 ans, sur la base de 5 à 6 personnes par an). Ainsi le « NEM-2 », aménagé pour le tourisme, serait le premier hôtel de l’espace, avec un coût à la nuit tout de même le plus cher jamais envisagé… 8 à 10 jours dans l’espace… au prix fort. Boeing est intéressé par cette proposition comme partenaire et fournisseur d’équipements.

Il y a tout de même un mais : l’ISS n’est prévue de ne durer que jusqu’en 2024, à peine le temps de rentabiliser l’affaire. Quand on demande à Solntsev comment il voit le problème, sa réponse laisse penser que les russes sont confiants que la station perdura plus longtemps, peut-être jusqu’au moins 2028. De plus il ajoute qu’en tout état de cause le segment russe pourra prendre son autonomie puisque les modules russes (on en compte 3) nouveaux seront lancés en 2018-2019, permettant une jouvence importante du segment russe.

Lanceur réutilisable : la solution Elon Musk non rentable

Solntsev a également été interrogé sur la réutilisabilité éventuelle de la future Soyouz-5 et de sa version lourde. Selon ses propos, cette solution n’est pas prometteuse puisque 20 à 30% du carburant est utilisé pour rapatrier le premier étage au sol, charge qui est perdue pour le fret vers, par exemple l’ISS, ce qui selon lui « tue l’économie globale de ce projet », c’est un « travail non rentable » assure-t-il.

Il pense qu’il faut plutôt se tourner vers un système de retour par parachute des premiers étages de lanceur, une solution technologiquement plus compliquée mais probablement réalisable.

Source : Energia